Télétravail : un travail recomposé

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Proxémie - distances intimes (Willi Dorner "Bodies - Urban Spaces")
Proxémie – distances intimes (Willi Dorner « Bodies – Urban Spaces »)

Un nouvel univers

S’il parait d’évidence de noter que télétravailler, est en premier lieu être physiquement dans des lieux différents, il est en réalité bien plus que cela, une sorte de cheminement pas à pas dans un nouvel univers, où beaucoup de nos repères sont à réinventer, à la fois espace d’autonomie et de liberté, mais aussi source de difficulté à devoir s’adapter à un changement de paradigme dans notre manière de travailler ensemble.


A l’échelle de population entière

Un premier changement notable est le nombre de personnes concernées, de rare à presque général, le télétravail est passé en France de 9% en 2011 à 30% (70% chez les cadres) aujourd’hui, de spécifique à global, où seuls quelques travailleurs de la mobilité y avaient recours, il concerne aujourd’hui des pans entier d’activités. Ainsi la pandémie a accéléré le processus, en mai 2020 84 % des télétravailleurs français souhaitaient continuer à travailler à distance (étude Malakoff Humanis). Des différences de genres marquent aussi les approches culturelles, en Allemagne par exemple, le télétravail perçu comme moyen de conciliation concerne plus de femmes que d’hommes, alors qu’en France à l’origine mis en place de manière plus contrôlé il est, généralement, utilisé par plus d’hommes que de femmes. Contrairement à un imaginaire ancré les plus jeunes, demandeurs de vie collective, sont les plus réticents à une trop grande proportion de télétravail. In fine aujourd’hui 15 % des actifs ne souhaiteraient pas revenir sur leur lieu de travail.


Une disparition des frontières

Les frontières, ces limites physiques, temporelles, émotionnelles, cognitives et relationnelles définissent des espaces séparés les uns des autres. Cette évolution d’unité de lieu, de temps et d’action du travail, en bouleverse les contours et nos repères avec.

La « proxémie », une approche introduite par l’anthropologue américain Edward T. Hall à partir de 1963, décrit des zones de notre rapport à l’espace matériel, en terme de distance : de « l’intime » qui s’accompagne d’une grande implication physique et d’un échange sensoriel élevé, à la « publique » qui est celle utilisée lorsque l’on parle à des groupes, en passant par la « sociale », celle de l’interaction avec les amis et les collègues de travail.
Notre positionnement spatial physique s’organise en fonction des situations de travail, ainsi la capacité de coopération implique un placement côte à côte pour partager le matériel et les idées.

Avec le travail à distance les spécificités de lieux sont à réinventer, le lieu professionnel est aussi celui de l’intime, ces moments de vie, d’ordinaire séparés, sont désormais tous réunis.

Des signes de déspatialisation du travail commencent à apparaître. Certains actifs partent s’installer durablement dans des zones rurales ou périurbaines tout en continuant à travailler dans une métropole. Une demande de bureau du quart d’heure se fait de plus en plus pressante, prés de 50% des actifs accepteraient une baisse de salaire de 5%, pour cette proximité là. (59% des moins de 35 ans, 52% des 35-49 ans et 45% des plus de 50 ans – étude l’IFOP septembre 2020). Les modes de travail « hybrides » (domicile, co-working, bureau) se développent, permettant des perspectives et des projets qui ouvrent de nouveaux champs d’exploration.

La pression temporelle peut s’accompagner d’une dilution des repères temporels, donnant l’impression d’une confusion et d’une perte de sens, avec une difficulté de mise en cohérence de la multiplicité et de l’enchevêtrement des temps sociaux.
Dans le même temps, le télétravail fait émerger une quête d’une plus grande flexibilité entre vie privée et vie professionnelle, permettant une liberté dans le planning professionnel induite par une gestion autonome et plus souple du temps de travail. Cette évolution de la temporalité, peut devenir une forme de liberté d’utiliser le temps, une sorte de « temps retrouvé ».

Chez Nuageo nous avons fait le choix d’un travail plus hybride en télétravail et présentiel, et d’une capacité d’adaptation de nos horaires de travail en fonction de ces différents impératifs du privé et du professionnel.

Et vous comment inventez vous le cadre de ces nouvelles frontières ?

 

Une réécriture des collaborations

Le télétravail renforce la nécessité d’avoir une stratégie et une vision claire de ses priorités et la capacité à la communiquer. Il amène à une autre manière d’aborder les collaborations au travail. Ainsi on ne peut pas multiplier les réunions comme on le fait en physique car c’est beaucoup plus fatiguant derrière un écran à distance. Il s’agit d’éviter de singer le fonctionnement physique.

La communication humaine n’est pas dénuée d’ambiguïté. Les possibilités de mésinterprétations sont nombreuses. A distance il devient plus complexe de percevoir les signes, d’identifier les indices permettant aux acteurs de l’échange de comprendre la situation, d’anticiper le déroulement de l’action.

Notre perception à distance ne permet plus de s’appuyer sur le langage corporel des interlocuteurs, de ces signes non verbaux. Le cerveau doit donc davantage se concentrer pour s’appuyer sur d’autres indicateurs, comme le ton de la voix ou les expressions du visage. Ainsi la visioconférence bouleverse la perception des autres, elle modifie également le regard porté sur soi-même. Se voir à l’écran pendant la discussion avec les autres joue sur la fatigue mentale. En plus de devoir gérer la conversation, l’esprit n’a de cesse de se demander quelle posture adopter ou de se focaliser sur son propre visage.

Lors d’une discussion, le contact visuel avec autrui permet de stimuler le système attentionnel et de renforcer la mémorisation. A distance il y a beaucoup de sources de distraction et ça rend l’espace encore plus difficile pour se concentrer.

Chez Nuageo  nous utilisons beaucoup l’écrit du chat pour partager autour de nos missions, mais aussi de notre domaine d’activité, des événements qui nous concernent,  laissant ainsi plus de place à la communication et l’intégration de différents points de vue. Nous organisons régulièrement des Retours d’Expériences et des sessions de formations avec des experts. Rien n’est totalement figé et nous sommes ouvert à l’expérimentation.

Et vous comment organisez vous les collaborations ?


Une redéfinition des collectifs

Le télétravail peut amener vers un mouvement d’individualisation et de désincarnation où l’on cherche à travailler ensemble mais détaché de l’appartenance à « un corps ». La visibilité des activités de chacun doit être reconstruite. Le télétravail demande une « coordination narrative » une capacité à se rendre visible là où on n’est pas, à faire parler de soi ou à faire entendre. Il s’agit de toutes les notifications, de toutes sortes de distraction sur l’écran qui attirent l’attention et diminue la capacité de concentration dans l’échange à distance, cela est très différent dans un café où tu peux faire abstraction de l’environnement

Le télétravail voit naître des collectifs affinitaires qui se substituent aux collectifs de travail, avec une recherche de transversalité dans le travail en instaurant des pratiques collaboratives. Avec l’autonomie retrouvée, les salariés peuvent récupérer une capacité personnelle d’organisation (étude du sociologue François Dupuy automne 2020)

Le télétravail peut aussi générer une perte de la culture informelle de l’organisation, ce surgissement, spontané et imprévisible, où les collaborateurs bavardent, s’informent, s’entraident ou débattent.
Cette perte du sentiment d’appartenance, du « faire-ensemble » rappelle la nécessité de la convivialité et de la socialisation au travail. Elle apparaît plus prégnante chez les plus jeunes, chez qui ces relations sociales sont plus essentielles.

Chez Nuageo nous privilégions la capacité d’adaptation rapide, ingénieuse et nécessaire par la proximité de l’organisation du travail, l’autonomie, la confiance et le dialogue constant. Une manière d’être tous derrière un écran, mais ensemble.

Et vous comment redéfinissez vous vos communautés ?


Un nouveau sens du travail

Le travail, inscrit dans notre mémoire collective, nous raconte une histoire aux multiples contours. Il est tour à tour labeur, ouvrage, huile de coude, pensum, besogne, pénibilité ou épanouissement. Le travail est l’une des formes de la vita activa d’Hannah Arendt par laquelle nous tissons des liens de coopération et de solidarité essentiels à la vie sociale, nous reconnaissons et nous sommes reconnus, nous participons à une œuvre commune qui nous dépasse et qui contribue à façonner notre condition humaine. Le travail n’est pas seulement une nécessité vitale : il est une forme d’activité sociale qui forge notre rapport aux autres, à nous-mêmes et au monde.

Le télétravail nous amène à expérimenter de nouvelles pratiques de travail, à construire des liens plus interconnectés entre nos différents espaces de vie, sans pour autant être intrusif. Il peut aussi être une opportunité à ouvrir une porte pour inventer un nouveau sens du travail, en remettant l’humain au centre de la réflexion.

Chez Nuageo nous prenons le temps de vérifier réellement le bien-être de chacun. C’est une façon de nous reconnecter avec le monde, de maintenir la confiance et de réduire la fatigue de la situation. Nous avons ainsi un certains nombre de rituels comme la météo hebdomadaire où nous échangeons sur nos activités respectives de la semaine, des sessions de collaboration mais aussi des moments de faire ensemble en à côté des missions, du gressin fait maison au brassage de la bière, sans oublier les repas interminables pour signifier un moment particulier.

C’est aussi dans une perspective de sens que nous travaillons à définir ensemble les contours de « notre » entreprise à mission.

Et vous quels sont vos rituels et vos pratiques ?

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