Le cloud, depuis son émergence, a toujours été très prometteur pour les entreprises. Ces dernières années, nous sommes devenus les témoins de la façon dont les entreprises ont considéré que la migration de leurs infrastructures et de leurs applications vers le cloud est une part essentielle de leur transformation digitale.
Les avantages sont nombreux : facturation à l’usage, une meilleure accessibilité et accroissement de la scalabilité. Puis les entreprises sont aussi libérées des contraintes liées à leurs parcs informatiques, surtout lorsqu’on parle de puissance de calculs, espace de stockage et quantité d’utilisateurs. Selon des analystes de Gartner, plus de 85 % des entreprises vont migrer vers le cloud d’ici 2025.
Les investissements ainsi que les revenus liés au cloud sont à la hausse depuis un peu plus d’une décennie et la tendance semble continuer de monter :
Public cloud revenue worldwide from 2012 to 2026, by segment (in billion US dollars, source: statista.com)
Malgré ces bénéfices, l’utilisation du cloud demande une compréhension fine des enjeux informatiques. Elle doit prendre en compte toutes les dimensions liées à celle-ci.
- D’abord il faut tenir compte des coûts de la migration, pour cela un audit s’avère indispensable afin d’estimer le périmètre de la migration, les compétences IT de l’entreprise, la nature et qualité des données ainsi que leur volume entre autres.
- Une deuxième étape va être liée à l’identification des coûts opérationnels qui vont comprendre l’accès, c’est-à-dire le coût de la connexion.
- Aussi les rôles que peuvent assumer les administrateurs est un élément important qu’il faut considérer, car tous les services cloud ne vous offrent pas un centre de service, donc si cette tâche est prise en charge par vos propres administrateurs cela représente une réduction des coûts.
- Finalement il faut prendre en compte la formation continue de vos équipes car les outils proposés par les fournisseurs cloud continuent d’évoluer.
Néanmoins, une fois cette étape franchie, il est nécessaire de continuer de mesurer la performance afin d’atteindre les résultats attendus.
Le cloud : une opportunité certaine, qui est parfois surestimée ?
Pour avoir une vision claire dans la gestion des coûts du cloud, les entreprises peuvent s’appuyer sur les FinOps (Finances opérationnelles), qui vise, d’une part, à trouver l’équilibre entre le budget et les dépenses allouées aux services cloud.
Puis d’une autre part elle a pour but d’améliorer la performance et l’innovation IT d’une entreprise, car la rationalisation de dépenses permet de dédier plus des ressources à ces deux derniers.
Des étapes doivent être claires pour que ce processus soit efficace.
En récapitulant : La phase d’information met en évidence l’ensemble des activités liées au cloud et leurs coûts, permettant ainsi une prévision détaillée du budget nécessaire.
Précédant cette étape, l’optimisation des services est nécessaire : c’est-à-dire effectuer une recherche continue pour repérer et supprimer les services sous-utilisés.
Enfin, la dernière étape a pour but de rassembler les équipes de finances et les équipes IT dans un seul canal de communication, afin qu’elles soient alignées dans leurs objectifs financiers et de transformation numérique. Cette équipe est connue sous le nom de centre d’excellence cloud (CCoE – Cloud Cost Center of Excellence).
Alors cette refonte de la méthode d’utilisation des services numériques dans le cloud doit s’appliquer de façon rigoureuse. Elle nous évitera d’ailleurs de tomber sur un autre phénomène : l’effet rebond.
Ainsi, le fait de pouvoir consommer des ressources à la demande telles que la puissance de calculs ou tout simplement de l’espace de stockage peut entraîner une surconsommation de ces ressources. Lorsque les services que nous consommons dans le cloud deviennent plus performants, nous avons en tant qu’utilisateurs, une tendance à les consommer plus sans que ce soit forcément justifié par le besoin réel.
Donc l’utilisation du cloud sans réflexion est contre productive car elle déplace les enjeux et les besoins de maîtrises, elle ne les supprime pas.
Aujourd’hui nous avons même des retours de plus en plus fréquents d’entreprises qui ont fait un rapatriement “on premise” suite à une migration cloud, car les résultats escomptés ne sont jamais arrivés.
Mais est-ce que retourner “sur site” est une solution viable ?
Retour on premise : dans quels cas de figure ?
Selon un rapport de Cloud Security Alliance 90 % des DSI indiquent avoir vu des projets de migration de données qui échouent à cause de la complexité du passage depuis le on-premise vers le cloud.
Mais pourquoi un projet de migration cloud pourrait ne pas satisfaire les besoins d’une entreprise ?
Plusieurs réponses sont possibles lorsque cette question se pose.
Premièrement, tout projet informatique demande une compréhension forte des enjeux IT et une maîtrise des besoins. Quand une entreprise souhaite migrer ses applications dans le cloud elle doit bien étudier dans quel cas cette décision aura des résultats bénéfiques. La prise de décision doit être menée application par application.
Un premier élément à prendre en compte est l’utilité pour les équipes métiers, c’est-à-dire pourquoi migrer des applications dans le cloud qui n’ont pas une forte valeur pour l’entreprise ou qui sont peu utilisées ?
Par exemple, une application cœur de métier va gagner en pérennité, flexibilité et efficacité en allant dans le cloud, permettant aux équipes IT de consacrer plus de temps aux évolutions fonctionnelles et moins aux questions d’infrastructure.
Cette valeur est mesurable dans le temps, une application cœur de métier en fin de vie, devrait être substituée par une application cloud native plutôt qu’être migrée, c’est pourquoi il faut évaluer la pertinence d’un projet de migration.
Par ailleurs, la complexité des applications est un facteur déterminant. Cette complexité est souvent liée à la technologie employée pour sa conception, au niveau du développement spécifique inhérent à l’organisation ainsi qu’aux fonctionnalités et modules personnalisées
La promesse du cloud est atteignable lorsque la migration est maîtrisée et ses usages sont adaptés.
Deuxièmement, la capacité d’être scalable est sans doute l’un des avantages du cloud. Pour beaucoup d’entreprises les problèmes liés à la scalabilité de leur SI ont été résolus en migrant leurs infrastructures dans le cloud. Cela peut avoir du sens lorsque les entreprises ont besoin d’augmenter le nombre de leurs serveurs de façon très récurrente à cause d’une croissance forte.
Néanmoins lorsque la croissance se stabilise l’équation économique peut changer en faveur du on premise.
Dans son article “Why we’re leaving the cloud”, David Heinemeier Hansson créateur de la société 37signals très connue pour son logiciel, Basecamp, et aussi créateur du langage de programmation Ruby on Rails, expose ses raisons sur le pourquoi sa société HEY revient à un SI on premise.
En effet, il signale que lorsque sa société a démarré, le fait d’être dans le cloud lui a permis de répondre aux enjeux de l’entreprise, principalement au traitement de gros pics de demandes.
Dans les trois premières semaines suite à son lancement, ils ont eu un pic de 300 000 utilisateurs qui se sont inscrits pour essayer le service alors qu’ils avaient prévu initialement 30000 dans les 6 premiers mois.
Pour une telle activité, le cloud jouait bien son rôle, notamment sur la capacité d’être scalable, mais une fois que la croissance est devenue stable, le cloud ne semblait plus être viable.
Son analyse se basait essentiellement sur le fait que HEY pourrait investir environ un demi-million de dollars, (dépensés annuellement dans certains services cloud de base de données relationnelles et de recherche) ce montant pouvant être réinvesti dans l’achat de leurs propres serveurs.
Finalement, un autre élément qui justifie un retour on premise est aussi le fait que les équipes IT vont gagner en expertise et maîtrise lorsque la croissance de l’entreprise est forte.
Ces équipes sont poussées à se renforcer et par la suite elles pourraient être en capacité de gérer leurs propres environnements on-premise, car souvent la décision pour aller dans le cloud est donnée par le fait que les équipes IT n’ont pas les compétences pour gérer leurs propres infrastructures. Le fait de gagner en maturité les rend moins dépendants des fournisseurs cloud pour gérer leurs SI.
Tous ces éléments combinés font que le retour on premise se trouve parmi les options auxquelles il faut penser dès lors qu’une stratégie de migration vers le cloud est énoncée.
Conclusion
Aujourd’hui le modèle cloud et le modèle on-premise présentent tous les deux leur intérêt en fonction du besoin.
Le cloud au niveau logiciel, matériel et territorial n’est pas toujours compatible avec des besoins de souveraineté.
Les entreprises doivent prendre conscience des risques géopolitiques, des risques liés à la sécurité des données ainsi que le respect de la conformité réglementaire (RGPD, HDS, etc)
Du point de vue de la performance, le cloud computing peut ne pas toujours répondre aux besoins de latence car les data centers, parfois répartis dans le monde entier, ne sont pas en capacité d’offrir une performance adaptée en termes de temps de réponse.
Face à ce scénario, une infrastructure on premise apporte une solution plus adaptée.
Finalement en ce qui concerne l’impact environnemental du numérique le cloud apporte de la mutualisation et de l’optimisation de la consommation d’énergie en suivant et agissant sur son indicateur PUE Power Usage Effectiveness, pour autant le on-premise permet une meilleure maîtrise de l’infrastructure, et potentiellement des équipements qui durent plus longtemps.
Pour conclure dans le Move to Cloud comme dans le Move from Cloud il faut se poser la question de l’usage et des coûts complets pour savoir déterminer si les apports de l’un ou de l’autre nous permettent d’être pérenne et durable dans nos usages du numérique.