« Innovation starts when people meet people » Steve Jobs
Plus notre expérience et notre savoir sont diversifiés, plus notre cerveau est apte à créer des connexions. Ainsi l’innovation et l’adaptation aux changements sont intimement liées à notre capacité d’association, cette manière d’établir des liens pertinents entre des idées, des problématiques issues de domaines différents.
De l’égalité des chances à la reconnaissance et à la valorisation des différences
Le concept de diversité trouve sa source aux Etats-Unis, dans les luttes des minorités pour leurs droits civiques avec l’émergence des politiques d’égalité des chances au cours des années 60. Les objectifs sont alors de faciliter l’accès de certaines minorités et des femmes aux opportunités d’emploi. Puis à la fin des années 70, l’approche de la diversité devient plus globale et englobe une multitude de dimensions comme le genre, l’âge, l’origine ethnique, l’éducation, la religion, l’affiliation, la préférence sexuelle, ou le handicap. L’approche est ainsi plurielle et construit un modèle de « main-d’œuvre hétérogène ».
Dans le même temps en France la diversité est appréhendée sous l’angle des différences culturelles, de la reconnaissance et de la valorisation des différences et de la variété des profils.
De l’exode des femmes des métiers du numérique …
Si les figures aujourd’hui connues de la naissance de l’informatique sont essentiellement masculines (1), de nombreuses femmes (2) ont contribué à la construction de l’informatique moderne.
Dans les années 80, 40 % des diplômes informatiques étaient délivrés à des femmes en Europe et aux Etats-Unis. Plus récemment, la proportion est autour de 17 % (2020). En 2013 on ne comptait ainsi que 28 % de femmes dans le numérique (dont 15% dans des fonctions techniques), contre 48 % pour le reste de l’économie.
D’après une étude de l’Unesco (juin 2019), le phénomène d’écart entre les genres dans le numérique (et plus globalement les sciences) est général en Europe et aux Etats-Unis, mais ce n’est pas le cas dans d’autres régions du monde comme le Maghreb ou l’Asie, où le code est perçu comme un vecteur d’émancipation.
(1) Charles Babbage, concepteur de machine analytique en 1836 – Norbert Wiener, inventeur de la cybernétique – John Neumann, concepteur de l’architecture des ordinateurs – Alan Turing, pionnier de l’intelligence artificielle dans les années 1950
(2) Ada Lovelace, créatrice du premier programme informatique en 1843 – Grace Hopper, développe le premier modèle d’ordinateur en 1952 – Hedi Lamar, dépose un brevet pour sécuriser les télécommunications en 1941 – Mary Keller, soutient la première thèse en informatique en 1965 – Margaret Hamilton, conçoit le système embarqué du programme spatial d’Apollo 11 en 1969
… à la lente reconquête de la diversité dans les organisations
Une analyse de PWC (juin 2018), met en évidence que l’augmentation de la proportion des collaborateurs “âgés” (55 à 69 ans) permet aux organisations d’améliorer significativement la valeur en son sein.
D’après une étude du Hardvard Business Review (avril 2021), les entreprises qui impliquent des femmes dans leur prise de décision sont plus ouvertes aux changements, moins soucieuses de règles préétablies et ainsi plus focalisées sur la construction des connaissances et la capacité d’innovation.
Au-delà de la question de justice sociale, il s’agit en réalité, d’élargir le champ des questionnements et donc par là même de s’affranchir d’une homogénéité, de ces présupposés liés à une identité et une position sociale (3).
(3) Les femmes représentent environ 50% des utilisations d’applications de santé (conçues majoritairement par des hommes), celles-ci n’ont pris en compte les cycles menstruels qu’à partir de la fin des années 2010.
Quand les cultures s’entrechoquent ….
Dans une analyse fouillée publiée à l’origine en 1996, Richard Lewis met en évidence l’influence des différences culturelles dans les comportements au cœur des organisations. Il y décrit la complexité des compréhensions mutuelles lorsque les différences de perspectives peuvent être perçues comme contradictoires ou irrationnelles.
“When Culture Collides” propose un modèle de lecture de ces diversités à partir de conceptions divergentes de valeurs (croyances, attitudes, visions du monde), de patterns de communication particulière (style de discours, qualité d’écoute), de spécificités de notions de temps (linéaire, cyclique, …) et d’espace (organisation, distance).
Le modèle de Lewis est structuré autour de 3 dimensions de comportement :
- Les Linéaires-actifs sont ceux qui planifient, mettent dans les agendas, organisent, enchaînent des actions dans la durée, font une chose après l’autre.
- Les Multi-actifs sont loquaces et virevoltants. Ils font beaucoup de choses à la fois. La planification de leurs priorités ne se fait pas selon un calendrier mais en fonction de l’émotion ou de l’importance relative du sujet et du moment.
Les Réactifs sont ceux qui privilégient la courtoisie et le respect, l’écoute tranquille et calme de leurs interlocuteurs, qui réagissent attentivement aux propositions de l’autre partie.
… le collectif accroît sa robustesse et sa synergie
Au-delà de la notion du différent, la diversité amène à considérer cet autre regard comme une opportunité de s’affranchir de certains filtres de lectures et ainsi d’accroître collectivement la compréhension des situations.
La crise du covid-19 a révélé des talents en donnant à certains l’occasion d’exprimer des propositions disruptives, et en tant que facteur de risques a fait émerger le besoin de plus de diversité dans les profils.
Ainsi, la diversité peut favoriser la confiance d’un collectif en son efficacité, en augmentant l’hétérogénéité des valeurs, des croyances et des attitudes, et donc stimuler la pensée critique.
Vers une organisation enrichie
In fine, la diversité invite à dépasser plusieurs défis :
- le « totémisme du même » : établir une relation décomplexée à la norme, accepter la critique de l’intérieur, éliminer ce qui ne marche pas, accepter les propositions, inscrire l’entreprise dans une dynamique d’amélioration continue et d’apprentissage collectif
- le « totem de l’instantanéité » : relever le défi du temps long, laisser à l’organisation un temps de maturation, afin d’accompagner le changement, pour permettre la « découverte » et la reconnaissance de l’altérité