Surconsommation ou comment faire du numérique notre ennemi

Numérique Responsable

“En 2020 presque 1 million d’ordinateur sont vendus par jour dans le monde”
International Data Corporation

34 milliards

C’est le nombre d’équipements numériques en fonctionnement dans le monde en 2019 selon le rapport de GreenIT.fr “Empreinte environnementale du numérique mondial”. Les chiffres actuels ne sont pas disponibles mais nous savons que ce nombre est en croissance exponentielle.

Aujourd’hui, peu de personnes peuvent se passer de la paire ordinateur et téléphone portable, 88% et 84% respectivement pour les français selon l’ARCEP. Tous ces écrans partageant notre quotidien nous servent dans notre vie professionnelle comme personnelle pour partager, communiquer, se divertir, etc. Malgré tous ces avantages, le numérique a des côtés négatifs et malheureusement moins connus de tous : ses impacts environnementaux et sociétaux, amplifiés par une durée de vie ébranlée par notre société de surconsommation. En voici quelques-uns…

800 kilogrammes

Part de l’empreinte carbone associée aux 3 premières étapes du cycle de vie du numérique

C’est l’ensemble des ressources naturelles (200kg d’énergies fossiles, 600kg minéraux) nécessaires à la fabrication d’un ordinateur portable de 2 kilogrammes. Sans compter les milliers de litres d’eau utilisés pour les différents procédés industriels. On appelle cela le sac à dos écologique et il en existe un pour tout type de produit (même hors équipement numérique). Celui du smartphone est d’ailleurs dans les mêmes ordres de grandeur. En effet, il faut 70 kilogrammes de ressources pour un smartphone de 200 grammes.

Quand on parle de cycle de vie des équipements numériques, on retrouve quatre grandes étapes : la fabrication, la distribution, l’utilisation et la fin de vie. Et selon GreenIT.fr, dans le monde, deux tiers de l’énergie primaire consommée vient de l’utilisation des équipements numériques. Par “chance”, pour supporter l’utilisation des équipements numériques, la production française d’électricité est principalement assurée par des sources émettant peu de gaz à effet de serre en 2021 (92% selon RTE).

Au final, grâce à, ou plutôt à cause de notre énergie décarbonée, la France a près de 80% de son empreinte carbone du numérique associée à la fabrication (+ distribution). (cf. diagramme). De plus, en France comme à l’étranger, trois quarts des ressources (métaux rares comme combustibles) dans le secteur du numérique le sont consacrées à la fabrication. Cette phase étant le plus souvent localisée dans les pays où se trouvent les usines, nous en sommes dépendants.

C’est donc sur la fabrication que nous avons un réel impact !

2,5 ans

C’est la durée moyenne d’utilisation d’un smartphone en France selon l’ARCEP. Pourtant, cette durée ne représente pas la réelle durée de vie technique d’un équipement numérique qui pourrait frôler les 10 ans. Comment ? En en prenant soin, en le réparant, en changeant la batterie (principale cause du renouvellement), etc.

Cette durée d’utilisation, encore trop faible par rapport à la durée de vie réelle des équipements, est liée aux phénomènes d’obsolescence, le fait pour un produit d’être « dépassé » et donc de perdre une partie de sa valeur d’usage, même s’il est toujours en bon état. Deux catégories d’obsolescence nous font face quotidiennement :

  • L’obsolescence technique, qui ne doit pas être confondue avec l’obsolescence programmée. Ce phénomène est lié à plusieurs facteurs dont certains qui apparaissent dès la conception : par exemple le facteur matériel avec la fragilité due aux matériaux peu résistants dans le temps, ainsi que la réparabilité complexe en raison entre autres de l’approvisionnement/prix des pièces détachées et de la démontabilité. D’autres facteurs apparaissent pendant le cycle d’utilisation du smartphone comme le facteur logiciel : on peut par exemple voir apparaître des problèmes d’incompatibilité (ralentissement, drainage de batterie, … ) provoqués par des mises à jour.
  • L’obsolescence psychologique et esthétique, faisant référence à un phénomène où les consommateurs vont changer leur produit encore fonctionnel parce qu’il apparaît comme daté par rapport aux produits similaires plus récents, notamment dans le domaine du design. Et aussi par le biais des offres commerciales poussées par les constructeurs, opérateurs et surtout par les évènements comme les soldes, black friday, etc.

Ajouté à cela on retrouve l’effet rebond, vecteur de surconsommation. Ce phénomène est observé lorsque les économies d’énergie attendues, avec l’adoption d’une technologie plus efficace énergétiquement, ne sont pas obtenues. Elles peuvent même aboutir à des surconsommations, à cause d’une adaptation des comportements. Prenons l’exemple de la 4G : elle est certes moins énergivore que la 3G mais elle pousse à une explosion de l’utilisation de la data et surtout au renouvellement des appareils pour obtenir cette technologie.

Nous avons déjà abordé la résultante de ces sujets dans un article précédent consacré au confort marginal et aux usages raisonnés dans le numérique. En plus d’outils comme les 3U (Utile, Utilisable, Utilisé), on pouvait y trouver ce passage résumant la situation : 

“ Utiliser le numérique lorsqu’il apporte une valeur réelle, pas pour suivre les tendances imposées par une croissance (trop) rapide. Ainsi, trouver l’adéquation entre usages pertinents et support technologique adapté est indispensable. ”

Maintenant, vous devez vous demander si il est si simple d’agir face à ces phénomènes, voici un début de réponse

17%

source : Baromètre du numérique 2020 de l’ARCEP

C’est la proportion de smartphones de seconde main (reconditionné ou d’occasion) achetés lors d’un renouvellement, selon le baromètre du numérique de 2020 de l’ARCEP. De plus, venant de la même étude, on apprend que seulement 26% des renouvellements sont liés à une impossibilité d’utiliser le précédent terminal. On apprend également que 37% des acheteurs sont victimes d’obsolescence technique et 25% d’obsolescence psychologique. Le reste (12%) étant de nouveaux acheteurs.

Cette étude démontre qu’il existe une marge importante d’action possible pour réduire l’impact du renouvellement : en sortant dans un premier temps du carcan hyper capitaliste de la surconsommation provoquant l’obsolescence psychologique. Et dans un second temps, qu’il est possible de passer par le circuit de la seconde main : occasion comme reconditionné. 

En effet, selon Recommerce, un site de vente d’appareils électroniques reconditionnés, un smartphone neuf émet 56 kilogrammes de CO2 (*), contre seulement 9 kilogrammes pour un smartphone reconditionné (**), soit une réduction de 84%. Acheter reconditionné est donc un réel moyen de réduire notre impact environnemental, mais aussi nos dépenses !

Pour rappel, un produit reconditionné n’est pas simplement de la seconde main. C’est un équipement ayant déjà appartenu à un propriétaire, mais remis dans un état proche du neuf par un professionnel qualifié et qui est le plus souvent accompagné d’une garantie équivalente à celle du constructeur. Le marché de l’occasion quant à lui s’approche des 100% de réduction d’émission de CO2 mais sa fiabilité reste à prouver pour certains équipements.

Après cet aparté sur le reconditionnement, nous allons vous mettre dans la confidence : Sans rentrer dans le principe du triangle de l’inaction expliqué dans un précédent article, nous ne sommes pas les seuls qui se doivent d’agir : nos entreprises également.

(*) : sur 56 Kg de CO2, 78 % sont dus à la fabrication, 18 % à l’utilisation, 3 % au transport et 1 % pour le recyclage
(**) : sur 9 Kg de CO2, 11 % sont dus à la réparation, 22 % à l’utilisation, 56 % au transport et 11 % pour le recyclage

3 ans

C’est la durée de renouvellement moyenne des parcs d’ordinateur des entreprises alors qu’ils pourraient techniquement durer jusqu’à 8 ans selon les modèles choisis et leurs utilisations. De plus, selon Fleet, aujourd’hui : 85% des cadres sont sensibles à une politique IT écologique et 9 collaborateurs sur 10 seraient d’accord de travailler avec un ordinateur reconditionné si il fonctionne correctement.

Aujourd’hui, un ordinateur reconditionné en parfait état de fonctionnement durera sensiblement autant de temps qu’un ordinateur neuf voir plus si son indice de réparabilité est plus haut que l’autre. Par exemple, chez Nuageo, nous poussons le BYOD (Bring your own device) et pour les collaborateurs nécessiteux, nous ne choisissons que des ordinateurs reconditionnés et réparables : on peut facilement changer l’écran, le disque dur, la mémoire vive ainsi que la batterie ! 

En revanche, l’indice de réparabilité est à prendre avec des pincettes car sa grille de notation est facilement orientable par le constructeur en raison d’un critère spécifique pouvant être choisi par ce dernier. In fine, en se dirigeant vers un équipement avec un indice supérieur à 9 nous mettons toutes les chances de notre côté pour les réparer mais des zones grises persistent.

Malheureusement aujourd’hui, il est l’heure de monter en créneau car les efforts en termes de réparabilité chez les constructeurs sont au stricte minimum et les entreprises de gestion de parc informatique s’orientant vers une utilisation plus responsable du numérique sont minoritaires. Mais surtout, les habitudes en entreprise sont au cœur du problème. Les collaborateurs ont pris l’habitude des « privilèges » comme celui d’utiliser l’ordinateur et/ou le téléphone professionnel dans un cadre plus large et certaines politiques de sécurité s’y adaptent.

Dans une époque où nous possédons, le plus souvent, tous un smartphone et un ordinateur dans le cadre personnel, ne serait-il pas temps de mutualiser les activités sur ces équipements si notre environnement de travail ne nécessite pas une sécurité/segmentation accrue ? Bien sûr, une contrepartie financière pourrait être versée par les entreprises pour subventionner ce type d’outil selon leur nécessité et leur coût. Dans tous les cas, il est grand temps de changer ces méthodes issues de la facilité d’approvisionnement due à la disponibilité et au faible coût des équipements neufs et peu durables privilégiés par les entreprises et poussés par les constructeurs.

100 millions 

C’est le nombre de smartphones conservés dans nos tiroirs en France dont deux tiers encore fonctionnels. Cela correspond à plus de 2 terminaux par foyers qui peuvent ou auraient pu entrer dans le circuit de la seconde main. Pour le reste, il doivent se diriger dans la case collecte au plus vite même si elle comporte des limites.

En fin de vie, les équipements deviennent des D3E, déchets d’équipement électrique et électronique, puis se dirigent dans des circuits de recyclage. Ces circuits ont eux aussi un impact environnemental car in fine, au niveau mondial, on ne collecte actuellement que 17% des D3E (40% en France dont 64% pour les D3E informatique). Le reste et la part non recyclée se retrouvent incinéré ou enfoui dans des circuits légaux encadrés ou passe, en amont de la collecte, dans des circuits illégaux (60% des déchets) où ils sont ensuite “traités”. Ces derniers, non encadrés, laissent place à des conditions environnementales et surtout humaines catastrophiques. Par exemple, à Agbogbloshie au Ghana, décharge à ciel ouvert officiellement fermée depuis 2021, on retrouvait du plomb, cadmium, arsenic et mercure dans l’air, la terre et l’eau. Cela fait de cet endroit l’un des terrains les plus pollués de la planète.

Sur les 64% de D3E informatique entrant en filière de collecte en France, on ne pourra recycler que 20% de la matière pour le cas d’un smartphone. En effet, plus l’équipement est de petite taille et pointu technologiquement, plus des alliages de métaux sont utilisés pour améliorer les performances énergétiques et miniaturiser. Cela rendra beaucoup plus complexe la phase de recyclage. Ajouté à cela, quelques principes doivent être connus, comme le fait que les matériaux et métaux ne se recyclent pas à l’infini (décyclage) et le fait que le recyclage reste après tout également un procédé industriel, qui nécessite donc de l’énergie et donc génère de la pollution.


Conclusion

Après avoir parcouru le début et la fin du cycle de vie des équipements numériques, il est facile d’observer qu’un problème a émergé ces deux dernières décennies :

Les équipements numériques ne sont plus des outils,
ils sont devenus des consommables

Lorsqu’on sait qu’il y a une trentaine d’années, un ordinateur avait une durée de vie moyenne de 11 ans, on peut se demander comment a-t-on fait pour en arriver là. En revanche, cela montre une chose, c’est que nous sommes capables de concevoir du matériel durable, réparable et accessible à tous.

En attendant, il est de notre responsabilité d’habitant de notre chère planète bleue d’adopter de nouvelles méthodes et bonnes pratiques pour limiter l’impact environnemental issu du numérique. Ou plus concrètement, de revoir les équipements numériques comme des outils et non comme des consommables.

  • Allonger la durée de vie de nos équipements : Prendre soin de ses équipements qu’ils soient professionnels ou personnels, en les protégeant avec des coques ou des housses est d’une simplicité sans nom et pourtant c’est le geste ayant le plus d’impact.
  • Réparer ce qui est réparable : À l’aide de toutes les ressources disponibles en ligne (vidéos, documentation, …) et les différents lieux spécialisés en réparation (corner en centre commerciaux et repair café).
  • Questionner ses besoins : Avant de passer à l’acte d’achat, il est important de se poser la question de si oui ou non ce potentiel achat est raisonné et raisonnable. Il convient aussi d’utiliser la méthode des 3U (Utile, Utilisable, Utilisé) pour rationaliser et éviter le suréquipement.
  • Acheter responsable : Pour ce faire, il faut garder en tête le circuit de la seconde main en achetant du matériel d’occasion, ou le reconditionné qui permet de se hisser au standard du neuf. Il est aussi important de penser à acheter du matériel réparable. Pour ce faire il existe actuellement quelques alternatives qui cassent complètement les indices parfois biaisés : Ordinateur, Smartphone, Casque
  • Mutualiser : En quelques années, il est de plus en plus visible que le numérique pousse à l’individualisme. Chacun a son smartphone, son ordinateur, etc. Il est loin le temps où l’on partageait un ordinateur familial et où l’on se passait tour à tour le téléphone autour du combiné pour échanger avec nos proches. Le partage des équipements et la mutualisation des actions effectuées en les utilisant permettrait non seulement de réduire notre empreinte environnementale mais surtout de catalyser l’accessibilité, l’inclusivité et les relations humaines.
  • Accompagner en fin de cycle de vie : Le cycle de vie d’un équipement numérique étant une vision perçue selon nos attentes, il est important de penser à une seconde vie (ou plus) que pourrait avoir nos équipements. Selon leurs états penser aux différentes options mais surtout privilégier les circuits les plus directs (revente constructeur, site de reconditionnement, organisme d’achat solidaire, point de collecte D3E). 
  • Sensibiliser : Il est certain que les équipements numériques ont facilité énormément de processus depuis leur avènement. En revanche, on observe bien qu’actuellement leur utilisation est tellement irraisonnée qu’elle mène à des risques environnementaux et déstabilise notre société. Cette surutilisation étant humaine, la sensibilisation est l’une des clés de la réussite d’un changement à l’échelle globale. La Fresque du Numérique est l’un des outils permettant d’ouvrir les yeux face à la l’omniprésence du numérique.
  • Agir en entreprise : Nous avons tous plus ou moins le pouvoir d’agir au sein de nos organisations pour déclencher un changement de politique en matière d’équipements numériques. Que ce soit en s’orientant vers des entreprises de gestion de parc informatique promouvant une utilisation plus responsable du numérique ou bien, tout bonnement, en appliquant les 7 premiers points présentés ci-dessus.

Vous repartez maintenant avec une feuille de route pour vous aider tout le long du cycle de vie de vos équipements

Chez Nuageo, l’Atelier du Numérique Responsable, nous appliquons au mieux ces pratiques en interne. A l’externe, nous formons d’autres entreprises à l’aide de la Fresque du Numérique, un atelier ludique et collaboratif qui sensibilise vos équipes sur les enjeux environnementaux et sociétaux du numérique.  

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