Informatique Grise
Cher journal,
Aujourd’hui, nous voulons te parler d’un sujet un peu particulier. L’illectronisme.
En quelques mots, l’illectronisme correspond au fait de ne pas être en capacité de se servir d’outils et services numériques, que ce soit pour des questions de connaissance sur leur fonctionnement et leurs usages ou simplement d’accès au matériel.
Un sujet certes particulier, mais qui touche 17% des personnes en France. 17% c’est plus d’une dizaine de millions d’hommes et de femmes en difficulté pour accéder ou utiliser un outil qui est essentiel aujourd’hui dans notre société.
C’est quelque chose dont on avait conscience chez Nuageo, de par les chiffres, et les actions de sensibilisation que l’on voit (comme celles de Latitudes) mais dont on a réalisé l’ampleur par des interventions que nous réalisons dans plusieurs maisons de retraite depuis quelques mois.
En novembre dernier, on nous a proposé d’aider des seniors dans leur usage quotidien du numérique. Autant te dire que même si c’est un peu éloigné de notre métier de base, nous avons rapidement accepté en raison de la criticité du problème et de notre statut d’entreprise à mission et de permaentreprise.
Notre premier échange a été marquant : pour les gens autour de la table, le numérique est une peur voire une inquiétude ou une douleur. Peur de casser, peur de se faire “avoir”, ils utilisent les outils numériques par contrainte plus que par envie et cela demande beaucoup d’efforts. Une détresse quant à l’usage du numérique en somme qui contraste avec une envie d’accéder à une certaine forme d’autonomie et de compréhension du sujet.
Après cet échange, notre premier questionnement a été de se demander : Comment dépasser cette situation ? Comment donner à ces personnes les éléments qui leur permettraient d’utiliser le numérique sans se faire de mal, juste assez pour répondre à leur besoin… puisqu’ils ou elles n’ont souvent pas d’autres solutions que de l’utiliser.
Toute situation a ses spécificités, mais dans notre cas la première étape a été de renouer le contact. Pas entre une personne et un logiciel, ou un périphérique, mais simplement réussir à parler du numérique, de l’informatique de manière ouverte, bienveillante, sans jugement. Nous avons dû mettre en place un espace d’échange où ces personnes qui avaient appris à ne plus demander, par honte ou peur de déranger, pouvaient à nouveau poser des questions, être curieuses, qu’importe leur niveau de connaissance initial.
Après cette démystification, on s’est très vite rendu compte que l’envie de comprendre était présente, parfois enfouie mais rarement absente. Le second contact à recréer a été celui de l’utilisatrice ou de l’utilisateur et de son périphérique d’accès : comment l’allumer, l’éteindre, interagir avec. Rassurer sur le risque de casser, de se perdre et expliquer une interface qui pour nous est devenue naturelle.
Troisième étape, parler d’usage : pourquoi utiliser ces outils, quand peut-on s’en passer et si on doit l’utiliser de quelle base avons-nous besoin pour comprendre ? Nous avons tenté pendant ces sessions d’éviter l’écueil de l’apprentissage par cœur, mais de donner les clés pour une compréhension plus large : toutes les personnes que nous avons accompagnées seront un jour devant un problème que nous n’avons pas traité en session, nous souhaitions les préparer à ce moment-là. Nous voulions qu’elles soient en capacité de s’en sortir, quand “ça ne fonctionne pas”.
Après plus de 6 mois de rendez-vous hebdomadaire, le bilan nous semble positif. La curiosité est omniprésente et ceux qui hésitaient à venir sont les plus ponctuels.
Pour être tout à fait honnête mon journal, nous pensons même avoir appris encore plus que ces personnes sur les enjeux de l’informatique, alors que c’est notre métier. Cette intervention qui peut paraître simple dans notre quotidien vaut parfois tout l’or du monde pour nos apprenants.
Nous les remercions pour cette prise de conscience, et espérons que nous avons pu leur rendre ce rapport au numérique plus simple et moins conflictuel.
Prends soin de toi cher journal.