Pour la première fois, Nuageo a participé au séminaire d’été de l’INR qui a eu lieu à La Rochelle le 23 et 24 juin 2022. Notre société était représentée par Alexandra et Philippe, lui-même ayant rejoint Nuageo juste un mois auparavant.
En attendant l’ouverture du séminaire, il y eut le petit déjeuner plutôt habituel dans ce genre d’événement. Nous avons donc appris que l’INR était une création récente, un peu plus de 3 ans, à l’initiative de plusieurs grands groupes français comme la Société Générale, le Crédit Agricole, Pôle Emploi… La création du célèbre MOOC de l’INR est né à l’initiative de la Société Générale qui cherchait un moyen plus facile pour former des milliers de personnes que les réunir en formation, ce qui pose de toute évidence des problèmes de mise à l’échelle.
C’est devant un public nombreux, en tout cas plus important que ce que nous imaginions, que Jean-Christophe Chaussat (Pôle Emploi) et Anne Tozzolino (La Poste) ont fait l’introduction et présenté les différents événements.
La première journée était concentrée sur des ateliers et des conférences. Tandis que la deuxième journée, limitée au matin, était consacrée à des travaux de réflexion en groupes de travail.
“Atelier surprise”
L’atelier surprise, en 2 parties, était animé par Kevin Echraghi et Antoine Mestrallet de la société Hérétique. La première partie était un “atelier en mouvements” qui se déroulait à l’extérieur. Le principe est simple : Kevin ou Antoine posaient une question binaire et l’ensemble des participants devait répondre en se positionnant physiquement de part et d’autre d’une ligne imaginaire. Par exemple, la première question était de savoir si Internet était chaud ou froid. La question était presque moins importante que les explications des participants. En effet, certaines personnes devaient témoigner et expliciter leur réponse.
C’est ainsi que certaines personnes ont répondu “froid” à cause des rapports humains distants et d’autres “chaud” à cause de l’impact d’internet (et donc du numérique) sur le climat. Globalement les avis étaient majoritaires d’un côté ou de l’autre, comme une perception presque commune du numérique responsable, malgré les différences de parcours des participants.
La deuxième partie a consisté à travailler en groupes de 4, les groupes étant répartis dans plusieurs salles. Kevin et Antoine ont distribué à chaque groupe un ensemble de cartes sur lesquelles il y avait soit une citation, soit un graphique ou un fait. L’objectif était de regrouper les cartes par thème. Chaque carte faisait référence à un des mantras de la Silicon Valley comme : changer le monde, vivre dans l’espace, concrétiser ses rêves, aller toujours plus loin, the winner takes all, … Une fois que chaque groupe avait regroupé ses cartes par thème, le même travail devait être fait au niveau de la salle, c’est à dire que tous les groupes devaient s’entendre sur des thèmes communs, dans un temps contraint et court.
La dernière étape a consisté à présenter les résultats de chacun des groupes à tous. Chaque salle avait un ou deux représentants et exposait leurs conclusions. Par exemple, voici les thèmes trouvés par la salle 4 dans laquelle était Alexandra et Philippe :
- Dominer et écraser : pouvoir hégémonique
- Asservissement : exploitation des comportements humains, assouvir les besoins, immédiateté, l’humain est le produit
- Solutionnisme technologique : sauver le monde, technique sans éthique
- Hyperconsommation : créer de nouveaux besoins, offre pléthorique, universalité, tout savoir tout le temps partout
- Accélération : créateur de croissance, opportunités
Les résultats des 5 salles étaient peu ou prou dans cette veine. Cet atelier était collaboratif, dynamique et nécessitait de s’entraider. Le dialogue, les échanges de perception entre les uns et les autres ont permis de construire une synthèse.
Conférences
Conférence d’hérétique – le modèle californien
L’après midi a commencé par une conférence présentée par Kevin Echraghi de la société hérétique sur le modèle de pensée californien qui faisait donc suite aux ateliers du matin.
Kevin tente de démontrer que les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon, ou GAMA devrait on dire) sont les exemples les plus réussis de ce modèle de pensée qui s’appuie sur 10 principes :
OBSESSIONNEL
- Par l’innovation technique, le monde tu changeras.
- Tout et tout le monde tu connecteras, quantifieras, modéliseras et automatiseras.
UTILITARISTE
- Pour résoudre des problèmes de consommateurs, des outils tu développeras.
- En toute chose, le confort, le volume, la rapidité et l’efficacité tu rechercheras.
EXTRACTIF
- Dans des marchés, tout et tout le monde tu inscriras.
- Les humains, comme des ressources à exploiter tu considéreras.
IMPÉRIALISTE
- Par l’esprit d’entreprise le monde tu conquerras.
- A ta vision et à ton intérêt égoïste, le bien commun tu subordonneras.
HORS-SOL
- Au profit du futur, le présent et le passé tu sacrifieras.
- Les différences culturelles et territoriales tu ignoreras.
Ces 10 principes particulièrement efficaces, associés à un système de financement que sont les VC (Venture Capital) ont permis le développement fulgurant de tout un tissu économique de la tech qui s’est exporté partout dans le monde sur les mêmes bases (mais avec moins de succès). A ces principes, Kevin oppose un numérique différent, plus ancré dans le local pour tenir compte des spécificités, beaucoup moins centré sur l’efficacité à tout prix (gagner du temps, faire plus de choses…), qui opère pour le bien-commun, … et illustre avec des exemples concrets comme l’application mobile derive qui permet de flâner dans Paris.
La conférence est intéressante, on sent qu’il y a de la recherche et de l’analyse. Cependant, il y a des côtés excessifs et parfois dérangeants. Il y a d’un côté les vilains californiens et les gentils français ou européens de l’autre. Les méchants GAFA/GAFAMs, devenu un nom commun, exploitent nos données personnelles pour faire de l’argent. Mais on ne peut raisonnablement pas mettre Apple et Microsoft dans le même sac où se trouvent Facebook et Google. Certaines applications ou contenus proposés sont aussi en adéquation avec les propositions de heretique : wikipedia met à disposition pour chaque culture un espace de connaissance, YouTube est un fantastique vecteur de savoir et de savoir-faire. Mais il faut bien reconnaître que Kevin et Antoine avaient un public conquis d’avance. Il est toutefois intéressant à travers cette “modélisation” de nommer des problématiques et ainsi d’ouvrir un champ à la réflexion des services, produits et usages au regard d’une supposée stratégie.
Calcul du bilan carbone
Ensuite une conférence avec une climatologue était prévue mais Virginie Duvat n’a pu venir. Elle a été remplacée par une estimation de consommation carbone avec la solution MyCO2 de Carbone 4. Animé par Justine Birot, l’exercice était amusant et a permis de se positionner par rapport au groupe et à une moyenne des français. Sans trop de surprise, étant donné le public, les résultats étaient meilleurs que la moyenne.
Conférence de Philippe Bihouix
L’après midi s’est terminée par une conférence de Philippe Bihouix qui était très attendue par certains, Philippe (de Nuageo) se voyant déjà faire un selfie avec lui. Hélas la conférence était en video donc adieu le selfie. Philippe Bihouix a articulé sa conférence sur un premier thème : l’économie est déconnectée de la réalité et ne tient pas compte que nous vivons dans un monde fini.
En prenant une approche historique, depuis la seconde moitié du XXe siècle, il explique qu’il y a une joute intellectuelle entre les tenants d’une croissance économique infinie et ceux qui pensent le contraire avec en point d’orgue le rapport dit Meadows, intitulé “The Limit to Growth” commandité par le Club de Rome qui a montré avec les premiers modèles informatiques en 1972 que la croissance économique allait s’effondrer au cours du XXIeme siècle, à cause, notamment, des problèmes de ressources.
Philippe Bihouix a continué avec les thèmes qui lui sont chers : les low-techs et les problèmes de ressources énergétiques et minières, en insistant bien entendu sur la nécessité d’une société plus sobre. S’ensuivit une courte session de questions/réponses.
Que penser de cette conférence ? Ceux qui ne connaissent pas Philippe Bihouix ont dû le trouver intéressant d’autant plus qu’il maîtrise bien son sujet. Les autres n’ont pas appris grand chose et nous recommandons d’écouter les échanges entre lui et Jean Marc Jancovici dans cet épisode de Thinkerview.
Groupes de travail
Les groupes de travail ont lieu le vendredi matin. Philippe a participé au groupe qui a travaillé sur le “Label conception responsable” et Alexandra a participé au groupe qui a travaillé sur la “Boite à outils NR”.
Vous trouverez ci-dessous leur témoignage.
Groupe “Label conception responsable”
Pour des raisons trop longues à expliquer ici, j’ai participé à un groupe de travail auquel je ne m’étais pas inscrit moi même. L’atelier était animé par Vincent Courboulay, Maître de conférences à l’université de La Rochelle. Ayant rejoint Nuageo depuis peu et ayant très peu de compétences dans le domaine, je suis rentré dans la salle en ne sachant pas de quoi il s’agissait. Parmi l’assistance, il y avait des représentants d’Airbus, d’Accenture, de Cap Gemini, La Poste … et l’ADEME.
L’avantage quand on ne connaît pas le sujet, c’est qu’il est possible de poser des questions. Donc au bout d’un moment, quand j’ai compris que je n’allais pas “raccrocher les wagons” juste en écoutant les échanges, j’ai demandé à Vincent à quoi pourrait servir un label de conception responsable de service numérique. Il a répondu avec un exemple qui a semblé intéressant sur le coup. Il a fait le rapprochement avec les notes d’un réfrigérateur qui peut être noté A++, A+, B etc et qui indique s’il consomme peu ou beaucoup.
Si on le transpose à un service numérique (encore faut-il s’entendre sur un service numérique mais disons que c’est une application web ou une API), il serait donc intéressant d’avoir cette information lorsqu’une entreprise est dans une démarche de numérique responsable.
Je ne vais pas rentrer dans le détail de la session ni dans la méthodologie utilisée par Vincent pour faire avancer le groupe mais j’en ai retiré les points suivants :
- L’exercice de travailler sur une norme est intéressant. Je n’avais jamais participé à ce genre de travail mais c’est un exercice hautement collaboratif avec des acteurs de différents horizons où il faut contribuer mais aussi écouter tout en impulsant un certain rythme. Bravo Vincent et aux participants.
- Les acteurs présents ne représentent pas toute la tech française. Nous avons des grands groupes comme Airbus, La Poste, … et des prestataires de service comme Cap Gemini, Accenture ou des prestataires plus petits mais habitués à travailler avec des grands groupes. Les rapports entre les deux sont de type client/fournisseur où la définition d’une norme peut faire tout son sens sinon chacun fait sa norme comme cela a été expliqué par un représentant d’Airbus. Mais ça ne s’applique pas à des sociétés calquées sur le modèle californien (pour faire un lien avec ce qui a été dit précédemment) où tout est intégré et fait en interne (UX, UI, développement…). Est ce qu’un utilisateur final serait sensible à un label de service numérique conçu de façon responsable, en supposant de communiquer largement sur le sujet ? Et même s’il est sensible quel choix a t’il ? S’il veut écouter de la musique, son choix se limite à Deezer, Apple Music, Spotify et c’est à peu près tout.
- J’aurais pu compléter le point précédent mais je souhaitais qu’il soit bien visible : à ma connaissance, il n’y avait aucune “startup” présente au séminaire. Je n’ai pas vu de représentants de Doctolib, Deezer, Qonto, Blablacar, … Ceci s’explique sûrement par l’histoire de l’INR mais cela biaise les décisions et il n’est pas possible d’ignorer tout un pan de la tech (reste aussi à les convaincre de monter à bord ce qui n’est peut être pas évident non plus).
Quel a été le résultat ? Hé bien aucun, mais ce n’est pas grave. Durant tous les échanges, nous étions sur une ligne de crête : faut-il labelliser un service numérique ou faut-il labelliser une capacité à faire un service numérique ? Si on reprend l’exemple du réfrigérateur, ce devrait être la première option car on en voit bien les bénéfices de lisibilité. Mais l’exemple choisi par Vincent pour m’expliquer le principe a engendré un biais dans la réflexion. Un réfrigérateur est un bien physique qui n’évolue pas souvent. Un service numérique évolue, parfois très très souvent donc est ce qu’il est possible de le labelliser ? Personnellement, je ne pense pas. Ce n’est pas fréquent d’arriver à la conclusion qu’il n’y a pas eu de résultat, mais je suppose que pour un enseignant chercheur, cela doit arriver de temps en temps.
Groupe “Boite à outils numérique responsable”
L’INR a mis en place une boîte à outils autour du numérique responsable (https://sustainableit-tools.isit-europe.org/). Construit au fil de l’eau, de manière plus ou moins collaborative, cet ensemble rassemble une très grande diversité de sources et de références, sous des formats de toutes sortes (calculatrice, programme, interview, support de formation, rapport, …). Une classification de thématiques (urgence climatique, back-end, contenu, iot, juridique, stratégie,…) et d’étiquettes (écoconception, empreinte carbone, conception responsable, green IT, data privacy, énergie, calculatrice…) dont la logique et l’organisation n’a pas encore été structuré dans une cohérence globale. Un moteur de recherche permet d’accéder directement à une sélection d’articles, de sujets ou d’outils.
Réuni dans une salle autour de 5 tables de 4 personnes. Nous avons fait connaissance de nos voisins de tables à travers diverses questions proposées (qu’avons nous en commun ?, qu’elle notre attente, …). Chacun semblait s’être inscrit pour des raisons différentes. Les uns cherchaient des solutions applicables immédiatement dans leur quotidien professionnel, d’autres venaient débattre de l’organisation de l’information, d’autres recherchaient des outils précis, d’autres encore se demandaient à qui ces outils s’adressaient et pour quelles ambitions. Ce melting pot d’intention était par essence propice à la discussion et au débat. Ce fut d’ailleurs le cas avec d’étranges interpellations, des explications diplomates, des questionnements instructifs, des propositions pertinentes de table en table.
Dans un premier temps nous avons parcouru la boîte à outils afin d’avoir une compréhension de son contenu et de son organisation.
Julien Nora, l’animateur de cet atelier nous a proposé un programme de réflexions articulé autour de 5 questions, qui ont chacune trouvé des réponses, après des échanges plus ou moins longs et impliqués :
- qui sont les cibles à qui s’adresse la boîte à outils, au sein de l’entreprise ?
- les acteurs de la DSI (Direction des Système d’Information)
- les équipes métiers (liées à l’organisation) et supports (RSE, formateurs, ambassadeurs, ..)
- quelle est l’ambition liée à ces cibles ?
- En première approche, à finaliser : “déployer le numérique responsable au sein de la DSI, puis influencer et équiper les équipes métiers”
- quels sont les objectifs principaux identifiés ?
- faciliter une approche numérique responsable au sein de l’organisation
- qualifier les outils proposés (qualité, utilisation, …)
- qu’est ce que n’est pas la boîte à outils ?
- un espace de sensibilisation au numérique responsable
- un “fourre tout”, en miroir d’un Google
- qu’est ce qu’est plutôt la boîte à outils ?
- une liste de guides et de bonnes pratiques
- des outils de mise en oeuvre du numérique responsable
Le résultat de cet atelier a été partagé ensuite en séance plénière, sous la forme d’un Pecha Kucha (présentations en 10 slides de chacun 20 secondes).
In fine la boîte à outils a pour ambition de s’adresser aux équipes qui se sentent concernées par le numérique responsable et qui recherchent des moyens de mise en œuvre, des cadres à travers des référentiels. Cet ensemble nécessite d’être mis à jour et restructuré en fonction des objectifs et des cibles visées. Pour ce faire, un groupe de travail est mis en place pour les mois à venir.
En Conclusion
La diversité des fonctions et des expériences des participants fut d’une grande richesse. Les structures représentées durant ce séminaire étaient grandes ou petites, impliquées de longue date, ou récemment venues de toute la France. A celà s’ajoutait une bonne énergie. Tous ces signes montrent que le numérique responsable se diffuse de manière de plus en plus large.
Ce séminaire s’inscrit dans une approche globale choisie par Nuageo d’être un acteur impliqué dans le numérique responsable. Ainsi Nuageo a défini des indicateurs permettant d’avancer sur ce chemin, comme des publications régulières, la participation à des communautés, la certification des collaborateurs Nuageo, une démarche de labellisation numérique responsable (LUCIE, …), la participation à d’autres séminaires ou forums, …
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