Cher journal,
Aujourd’hui je voudrais te parler des écogestes.
Mais si, tu sais que tu as déjà entendu parler de ces derniers : faire pipi sous la douche, éteindre la lumière (parce que c’est pas Versailles ici), supprimer ses mails… supprimer ses mails…
Attends un peu ! Supprimer ses mails ? Pourquoi ne pas couper ta caméra en visio aussi ou ne pas activer le flou d’arrière-plan ! Tu le sais, cher Journal, sur le sujet de l’impact environnemental du Numérique nous sommes des gens sérieux. Nous savons qu’en France 78% de l’impact vient de la FABRICATION. Alors effacez, cet article, ne l’effacez pas, imprimez-le, ne l’imprimez pas – mais surtout gardez le pc ou smartphone sur lequel vous le lisez un an de plus ! (et arrêtez de manger de la viande aussi.) Il est là l’impact réel dans le numérique : fabrication du matériel et en particulier des équipements utilisateurs.C’est un discours logique. Pour autant, quelque chose me dérange. Si l’impact vient de mes équipements, qu’est ce qui fait que je vais les changer ou qu’ils deviennent obsolètes ? Certes, tu vas me dire et tu auras raison, que je les change quand ils se cassent. Oui, s’ils ne sont pas réparables, c’est vrai. La perte aussi. Tu pourrais aussi me dire que j’ai tendance à les changer pour répondre aux sirènes des tendances (design, 5G, téléphone pliable et autres) – et même si j’aimerais te répondre que non, je suis sûrement influencé par cela également.
Mais la casse ou l’obsolescence marketing ne sont pas ce que je veux creuser avec toi. Non, en réalité, je vais avoir tendance à changer mon ordinateur d’abord car il n’est plus assez puissant : les applications rament, le stockage est saturé, la RAM ne suit plus. En somme, le constat est simple : le matériel n’est plus assez puissant, je dois le changer ! Si le constat est juste, l’action prise pourrait être différente : en effet, si mon ordinateur rame, c’est qu’il n’est pas assez puissant ou que je lui en demande trop.
Je m’explique. A usage équivalent, un système Linux aura tendance à consommer moins de mémoire vive que Windows. Autre exemple, si mon stockage est saturé, je peux acheter un nouveau disque dur ou… supprimer les choses inutiles. De manière plus générale, je peux avoir une réponse matérielle ou une réponse qui est liée aux applications, voire à mes usages.
En résumé, cher journal, si l’impact environnemental du numérique est majoritairement lié au matériel, ce sont nos usages et les applications associées qui vont définir quel est notre besoin matériel. Je peux donc agir pour limiter l’impact directement sur le matériel, ou indirectement sur ce dernier par le biais des applications.
Très bien. Et le rapport avec les mails ? J’y arrive, soit patient.
Supprimer ses mails, dans l’absolu n’aura que très peu d’impact. Comme couper sa vidéo en visio. Pour autant, prises bout à bout, ces actions nous aident à tendre vers plus de sobriété numérique. Mon ordinateur rame : je ferme quelques onglets de Firefox et récupère 2Go de mémoire. Le CPU chauffe ? J’évite de flouter le fond de ma visio, il respire à nouveau. Ces actions rendent l’utilisation de mon ordinateur à nouveau acceptable et peut-être que je pourrai ainsi le conserver encore 6 mois, un an ou plus ! Ce sont des leviers au même titre que d’avoir une coque de protection ou des équipements réparables.
Je sens que quelque chose te gêne : oui cela demande des efforts. Se poser des questions demande des efforts. Y penser demande des efforts. Savoir quoi faire demande des efforts. Mais en réalité c’est le cas pour tout : utiliser sans recul, sans compréhension et sans retenue n’est bon dans aucun domaine. Si l’on fait le parallèle, se laver les dents est contraignant. Pour autant cela permet de les garder plus longtemps. À retenir : brossez vos ordinateurs. Enfin… tu as compris le message.
Je sens encore une gêne : oui cela impacte ton confort. Gérer son stockage, penser à fermer des onglets, ne pas avoir de poissons qui passent en arrière-plan pendant une réunion Teams, peuvent être des choses difficiles à accepter. Pour autant, ils sont des témoins visibles de la démarche que nous essayons de pousser, la minuscule pointe émergée de l’iceberg.
Ces actions représentent autant d’opportunités d’avoir une démarche qui inspire, qui est cohérente et qui intrigue. « Pourquoi tu ne mets pas de fond d’écran ? Parce que mon ordi est un modèle qui a 7 ans et qui rame » « Et ce n’est pas contraignant ? Au regard du gain associé à ne pas le changer ? Pas vraiment. »
Ces actions sont les graines d’un changement plus profond qui se diffuse d’abord en étant anecdotique, mais qui ensuite prend parfois profondément racine et transforme les habitudes.
Attention, il ne faut pas voir dans ces graines une fin en soi – semer c’est bien, mais l’objectif est de voir pousser. Supprimer ses mails ne doit pas être une excuse pour changer son téléphone tous les 2 ans. (Garder son téléphone 5 ans, pas une excuse pour manger de la viande tous les repas et ainsi de suite).
Alors oui, cela peut sembler marginal aujourd’hui de faire ces choix qui paraissent dérisoires. Un peu comme se brosser les dents l’était il y a 100 ans. Mais il faut voir ces pratiques comme des témoins externes d’une sobriété qui se doit d’être profonde.
Prends soin de toi mon journal.