Journal de Bord #104 – Utopies réalistes

Permaentreprise

Utopies réalistes ou comment réduire la pauvreté

Cher lecteur,

Aujourd’hui, je voudrais te parler d’un livre qu’Antoine m’a prêté, la même personne qui a écrit sur les 23 objectifs d’impact d’une permaentreprise.

Ce livre s’appelle « Utopies réalistes » de Rutger Bregman dont un des sous-titres est « pour en finir avec la pauvreté ». Le ton est donné.

Je ne vais pas faire un résumé du livre. Je vais plutôt mettre en avant 2 ou 3 points qui m’ont particulièrement intéressé.

L’auteur commence par rappeler ou nous apprendre pour certains d’entre nous que nous vivons une époque « bénie » dans un contexte historique bien sûr : pendant 99% de l’histoire humaine, 99% de l’humanité a été pauvre, affamée, sale, malade, … et que si 84% de la population mondiale vivait encore dans une extrême pauvreté en 1820, ce nombre est tombé à 10% environ de nos jours. 

Comment baisser encore plus ce nombre ?

En donnant de l’argent, sans condition ! Mais alors que toutes les questions autour des aides (voir les idées du gouvernement sur le RSA en ce moment) étaient pour moi d’ordre idéologique, je découvris avec stupéfaction que la science avait déjà parlé et pas qu’une seule fois. Rutger Bregman commence par évoquer une expérience qui a eu lieu à Londres en 2009 : 13 sans-abris sont aidés. Il a été estimé que les dépenses (police, justice et services sociaux) se montaient à environ 400 000 £ par an. L’expérience consiste à leur demander de quoi ils ont besoin. Dictionnaire, prothèse auditive, cours de jardinage … et au bout d’un an il a été dépensé en moyenne 800 £ par personne sur les 3 000 £ qui leur étaient allouées. Résultat, au bout de 18 mois, 7 dorment sous un toit et 2 autres étaient sur le point de s’installer pour un coût de 50 000 £ par an !

Est-ce un exemple isolé ? Que nenni. Le MIT a fait une étude sur l’organisation GiveDirectly qui distribue de l’argent sans contrepartie. Le résultat : accroissement durable de 38% des revenus, acquisition de logement en hausse, réduction de 42% du nombre de jours où les enfants ont faim.

Et je pourrais parler des Cherokees qui ont vu leur vie changer suite à la distribution de 4 000$ par an correspondant aux bénéfices de leur casino, de multiples expériences en Afrique. Mais je terminerai par une expérience au Canada en 1973. Une petite ville de 13 000 habitants, Dauphin, a été choisie pour accueillir l’expérience suivante : 19 000 $ étaient distribuées par an pour une famille de 4 personnes, sans contrepartie. Pendant 4 ans, une armée de chercheurs dans plusieurs disciplines ont fait leurs analyses. Résultat : non seulement les gens ne travaillaient pas vraiment moins (entre -1 et -5%) et n’étaient donc pas devenus feignants mais ils ont constaté une baisse de 8,5% des hospitalisations, violences conjugales et même les pathologies psychiques.

Cela va sûrement vous surprendre mais c’est Richard Nixon qui présenta un projet de loi sur un revenu de base pour tous en 1970. Voté avec succès par la Chambre des représentants, il est rejeté par le Sénat. Nouvelle tentative en 1971 et nouvel échec au Sénat. Il faudra attendre 1978 pour que le projet soit totalement abandonné. Si les démocrates avaient signé, non seulement les américains auraient un revenu de base universel mais on peut supposer que les français auraient suivi. Nous serions dans un monde très différent.

Même si l’environnement politique a beaucoup changé en 50 ans et qu’il semble qu’une telle idée ne puisse plus être appliquée, le livre explique que c’est possible, quelque soit l’idée d’ailleurs, mais en ce qui nous concerne il s’agit du revenu de base pour tous ou d’une aide financière sans contrepartie.

Comment ?

Rutger Bregman explique comment est né le mouvement néolibéral créé en 1947 par Friedrich Hayek et Milton Friedman. L’époque n’est pas du tout perméable à ces idées. Nous sommes à la sortie de la guerre et tout est organisé et planifié pour s’attaquer au chantier gigantesque de la reconstruction. Mais inlassablement, les membres de la Société du Mont Pèlerin, collectif dirigé par Friedrich Hayek puis par Milton Friedman, vont écrire des articles, être reçus à la radio et sur les plateaux de télévision. Ils vont créer leur sillon jusqu’à la crise énergétique de 1973.

En effet, d’après Rutger Bregman, pour qu’une idée ou un courant de pensée émerge, il faut qu’il soit diffusé dans la société et il faut une crise majeure qui secoue le système en place. C’est ainsi que l’auteur explique que malgré la violence de la crise financière de 2008, aucun changement n’a eu lieu car aucune idée nouvelle n’avait été semée.

Comment faire émerger de nouvelles idées ? C’est là qu’intervient Joseph Overton, un avocat américain, qui dans les années 1990 a décrit la « fenêtre d’Overton ». Cette fenêtre définit le contour des idées raisonnables, dans l’air du temps, mainstream comme on dit maintenant. Celles auxquelles se réfèrent les hommes politiques qui veulent être réélus, les journalistes sur les plateaux TV, bref tous ceux qui veulent rester dans les marges de l’acceptable.

Tout ce qui est en dehors de cette fenêtre emprunte un chemin difficile, semé d’embûches car ces idées sont bien sûr considérées comme irréalistes et déraisonnables par les médias. Mais, et je cite l’auteur : « une société peut changer en quelques décennies. La fenêtre d’Overton peut se déplacer. Une stratégie classique pour y parvenir est de proférer des idées très choquantes et subversives pour étendre les limites de la radicalité. »

Si on sort du cadre de ce livre, cela donne de l’espoir pour que les idées favorables à un changement économique pour tenir compte de la crise climatique, de la crise de la biodiversité et des limites planétaires soient entendues et mise en place lors de la prochaine crise majeure qui hélas a de grandes chances d’arriver.

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